Les grandes familles juives de Damas de 1799 1948.
LĠaction conomique et politique des notables juifs des familles
Farhi, Stambouli et Liniado.
Article rdig pour une communication auprs du Cercle de
Gnalogie Juive, Paris, le 2 mars 2009
Jacques Stambouli
Matre de confrences en sciences de gestion et
amnagement
(Universit dĠArtois et Universit Paris 1)
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La ville de Damas a
toujours fascin les esprits. Peut-tre parce quĠelle est une des plus
anciennes villes du monde, ayant maintenu, depuis au moins 35 sicles, son
existence sur un mme site : une oasis cre par la rivire Barada, au
pied de la montagne de lĠAnti-Liban et aux portes du dsert qui sĠtend
jusquĠaux valles de lĠEuphrate et du Tigre. Cette oasis offre lĠorigine une
halte pour les caravanes, au carrefour des routes qui vont de la Msopotamie et
de la Perse la Mditerrane, dĠest en ouest ; et de celles qui, du nord
au sud, vont du plateau dĠAnatolie lĠEgypte, en passant par la Palestine.
Nous tudierons la
prsence juive dans cette ville entre 1799, date de la pntration de lĠarme
franaise de Bonaparte en Syrie et 1948, date de la cration de lĠEtat
dĠIsral. Peu dĠtudes ont t crites sur le sujet, notamment parce que lĠon
ne dispose pas dĠarchives du recensement, celui-ci tant tabli le plus souvent
par communaut religieuse dans lĠEmpire ottoman et les donnes tant perdues ou
difficilement accessibles aujourdĠhui.
Nous avons donc utilis
des sources gnalogiques (en particulier le site gnalogique Ç Les
Fleurs de lĠOrient È, mis en place par la famille Farhi[1]),
les archives de lĠAlliance Isralite Universelle[2],
en particulier les rapports des directeurs des coles de lĠAlliance Damas,
les correspondances de Damas au Prsident de lĠAlliance Paris entre 1860 et
1940 et quelques sources familiales.
CĠest pourquoi nous nous
sommes limits trois familles de notables juifs de Damas : les Farhi,
les Stambouli et les Liniado, familles par ailleurs apparentes.
Vu lĠampleur de la
priode, riche en bouleversements de toutes sortes, et le nombre de personnes
concernes dans chaque famille, nous avons centr notre propos sur lĠaction
conomique et politique des notables les plus marquants de ces familles, en la
replaant dans son contexte.
Dans une premier
chapitre, nous retraons le cadre socio-conomique de lĠaction de ces notables
de Damas, dans la socit syrienne de la fin du XVIIIe sicle. Ensuite, nous
avons choisi quelques dates, pour lesquelles nous avions des informations
nouvelles, de sources diffrentes. Dans chaque cas, les rapports avec la
France, son Etat et ses institutions sont voqus, permettant de comprendre la
francisation problmatique de ces Juifs de Damas.
En 1799, la ville de
Damas compte peu prs 100 000 habitants et environ 4000 Juifs[3].
En fait, cause de la
mauvaise tenue des registres ottomans, les recensements complets, bass sur le
paiement des impts, nĠont pas t faits pour les XVIIe et XVIIIe sicles. En
1596, la ville comptait environ 45 000 habitants, dont 37 500 Musulmans, 4900
Chrtiens et 2500 Juifs.
Damas est, lĠpoque,
une des grandes villes commerantes de lĠEmpire ottoman, et un des chefs-lieux
dĠune des plus proches provinces arabes dĠIstanbul.
Cette grande province
ottomane intgre, quelques dtails de frontires prs, les pays actuels
suivants : la Syrie, le Liban, Isral, les territoires palestiniens
occups ou contrls par Isral[4].
Damas est moins peuple que Le Caire, mais bien plus que Jrusalem ou Beyrouth
et que toutes les autres villes du littoral mditerranen de Palestine.
CĠest une ville
prestigieuse, qui est mentionne, au quinzime sicle avant notre re, dans les
listes gographiques du pharaon Touthmsis III, qui fut la capitale de lĠEmpire
arabe des Omeyyades de 661 750,
et qui organise chaque anne une caravane pour le plerinage La Mecque
par voie terrestre.
La prsence juive y est
trs ancienne[5]. Le roi
David, dans sa campagne contre la confdration aramenne, au dixime sicle
avant notre re, a conquis la ville et y a install des gouverneurs juifs (II.
Samuel 8 :5-6). Au neuvime sicle avant notre re, la ville comptait des
marchands juifs, selon le livre des Rois (I Rois, 20 :34). Les conqurants
musulmans, au septime sicle de notre re, ont reconnu comme quartier juif la
partie sud-est de la ville, o la communaut sĠtait tablie. Une des
synagogues de Damas, celle de Jawbar, situe environ deux kilomtres au nord
de la ville, est mentionne dans le Talmud (Eruvim 61b).
Depuis 1516, Damas fait
partie de lĠEmpire ottoman. Elle a accueilli des Juifs expulss dĠEspagne au
seizime sicle. Progressivement, ceux-ci ont abandonn le judo-espagnol pour
parler arabe, tout en se diffrenciant par leurs noms de famille.
Damas, en 1799, comme de
nombreuses villes arabes de lĠEmpire ottoman de cette poque, apparat
socialement comme Ç un ensemble de groupements professionnels et confessionnels,
chacun jouissant dĠun pouvoir autonome (É), chaque groupement tant divis
entre dominants et domins È[6].
La socit ottomane a repris dans son organisation sociale une tradition
antrieure lĠislam et hrite de la Perse sassanide et des Turco-Mongols :
le Sultan, chef politique et religieux, est le matre dĠun troupeau quĠil tond
en mme temps quĠil le protge et le guide[7].
Parmi les dominants
musulmans, on trouve les dirigeants nomms par le Sultan (le gouverneur ou wali, ses assistants, les chefs
militairesÉ) , les chefs religieux (oulmas),
les notables (aĠyan), en particulier
les gros commerants, rsidant en ville, dans le quartier central regroupant la
grande mosque omeyyade et les principaux marchs.
Parmi les domins
musulmans, on trouve les petits commerants et artisans de la ville ainsi que
les paysans des campagnes autour de Damas.
Les rapports
socio-conomiques entre la ville de Damas et la campagne sont organiss de deux
faons[8].
DĠune part par le march : la campagne vend la ville ses produits
agricoles ; la ville fournit la campagne ses produits artisanaux et
manufacturs. DĠautre part par lĠimpt : la majorit des terres est
proprit de lĠEtat ottoman, cĠest--dire du Sultan ; le gros des loyers
de la terre revient donc la trsorerie de lĠEtat, dont la collecte, en nature
ou en monnaie, est organise dans la ville.
Ë Damas et dans la
rgion, les notables se sont octroys les principaux droits de percevoir
annuellement, pour un montant fix, les rentes foncires pour lĠEtat ottoman.
La richesse des notables ne vient donc pas seulement de leur commerce, mais de
leur capacit percevoir lĠimpt pour le compte de lĠEtat sur les paysans et
dĠen garder une partie pour eux.
Du fait de la proprit
dĠEtat des terres, le rle du march est limit dans les changes. Les
dominants cherchent maintenir la stabilit du systme des changes, dans un
cadre conomique prindustriel peu dynamique. Ç La politique de lĠEtat et
celle des aĠyan (notables) consistait
en priorit stocker les grains produits la campagne, dans les silos
publics, afin de pouvoir les redistribuer par la suite suivant les besoins
dĠapprovisionnement de la ville. Les paysans ne pouvaient disposer de leur
production et nĠavaient pas la libert de lĠorienter vers le commerce extrieur
[9] È.
La division
dominants-domins se retrouve aussi dans la communaut juive.
Tous les Juifs –
comme les Chrtiens - ont un statut considr comme infrieur par rapport
tout Musulman : le statut de dhimmi.
Selon ce statut, les communauts non musulmanes se voyaient accorder tolrance
et protection de la part des autorits. Mais elles devaient reconnatre la
primaut de lĠislam, la suprmatie des Musulmans ; et elles devaient payer
un impt par tte (capitation) et se soumettre diffrentes restrictions
dĠampleur variable selon les situations politiques ( types de vtements, port
dĠarmes, construction dĠimmeublesÉ) [10].
Parmi les Juifs, il y a
des dominants : les notables, riches banquiers et gros commerants et les
rabbins. Et il y a des domins : les petits commerants et artisans de la
ville, et les pauvres, en situation prcaire, nĠayant parfois pas dĠautres
sources de revenus que le soutien communautaire[11]. Tous vivent dans le quartier juif de
Damas (Harat al-Yahud).
Zouhair Ghazzal note que
Ç les groupes sociaux travers lesquels lĠEtat pouvait dvelopper la
production de ressources libres taient les groupes confessionnels
minoritaires, en particulier les Chrtiens et les Juifs. (É) Les Chrtiens
tenaient en main une bonne partie du commerce extrieur et on trouvait parmi
les Juifs les plus grands financiers de lĠEmpire[12] È.
Les Juifs taient les
seuls pouvoir lgalement faire de gros prts lĠEtat (le prt intrt est
normalement interdit par la loi musulmane) ; et ils servaient de
conseillers financiers et politiques auprs des dirigeants ottomans parce
quĠils appartenaient un groupe minoritaire infrioris qui ne pouvait
rclamer, dans un Etat strictement musulman, aucun pouvoir politique officiel.
Tel tait le cas de la
famille Farhi de Damas, et notamment de Ham Farhi, conseiller et financier
auprs du gouverneur de la province de Syrie, Jazzar Pacha au moment o
Bonaparte envahit lĠEgypte et la Syrie.
Pour lĠhistorien franais
Henry Laurens, Ç lĠexpdition dĠEgypte (de Bonaparte) apparat
manifestement comme un aboutissement de lĠÏuvre des Lumires. LĠuniversalisme
des Lumires finissantes devient discours de lgitimation de lĠexpansion
europenne. (É)En mme temps que lĠon sĠengage dans un processus de domination,
on adopte un discours de libration [13] È.
Un imprialisme rvolutionnaire, en quelque sorte.
LĠhistorien ajoute, en
ayant bien lu Bonaparte[14],
que les considrations gopolitiques sont, avant cette idologie, les motifs
premiers de lĠexpdition : frapper lĠAngleterre sur la route des Indes et
sĠassurer une nouvelle colonie (lĠEgypte) productrice de denres
non-europennes.
En Egypte, lĠirruption de
lĠarme franaise, partir du premier juillet 1798, met bas le pouvoir de la caste des mamlouks, qui gouverne
au nom de lĠEmpire ottoman. Mais la puissance anglaise ragit et dtruit la
flotte franaise le premier aot Aboukir. Le 9 septembre, lĠEmpire ottoman
dclare la guerre la France. Il concentre des forces en Syrie, avec des
canonniers entrans par des officiers royalistes franais et avec le soutien
de la marine anglaise.
Dans ces conditions,
Ç Napolon rsolut de prendre lĠoffensive, de passer lui-mme le dsert,
de battre lĠarme de Syrie, de sĠemparer de tous ses magasins et des places
dĠEl-AĠRych, de Gaza, de Jaffa, dĠAcre, dĠarmer les Chrtiens de Syrie, de
soulever les Druses et les Maronites. Il esprait quĠ la nouvelle de la prise
de Saint-Jean dĠAcre, les Mamlouks, les Arabes dĠEgypte, les partisans de la
maison de Dher[15] se
joindraient lui ; quĠil serait matre en juin de Damas et dĠAlep. (É)
Dans cette situation, il serait en tat dĠimposer la Porte, de lĠobliger la
paix, et de lui faire agrer sa marche sur lĠInde[16] È.
Le 11 fvrier 1799,
Bonaparte quitte Le Caire, en direction de la Syrie. Il dispose de 13 150
hommes.[17].
Il prend Gaza le 24 fvrier, Jaffa le 7 mars, fait fusiller 2500 prisonniers,
et met le sige devant Acre le 19 mars. Il obtient le soutien de la famille
arabe Zaydani et des Chrtiens de la rgion de Tibriade. Il va essayer
dĠobtenir aussi le soutien des Druzes (Musulmans chiites du nord de la montagne
libanaise), des Maronites (Chrtiens du sud de la montagne libanaise) et celui
des Juifs.
Bonaparte crit :
Ç les Juifs taient assez nombreux en Syrie ; une esprance vague
les animait ; le bruit courait parmi eux que Napolon, aprs la prise
dĠAcre, se rendrait Jrusalem, et quĠil voulait rtablir le temple de
Salomon. Cette ide les flattait. Des agents chrtiens, juifs, musulmans,
furent dpchs Damas, Alep et jusque dans les Armnies ; ils
rapportrent que la prsence de lĠarme franaise en Syrie agitait toutes les
ttes.[18] È
Henry Laurens note que
lĠenvoi de ces agents nĠest authentifi par aucune source dĠarchives et quĠil
est probable quĠen multipliant les notations, Bonaparte cherche dissimuler le
fait que lĠmir Bachir, chef des Druzes et des Maronites, ne sĠest pas joint
aux Franais. Par ailleurs, la faon dont Bonaparte parle du temple de Salomon
montre, selon Laurens, que Bonaparte nĠendosse pas ce projet.
En fait, rien nĠatteste
que les communauts juives de Syrie aient accueilli Bonaparte avec sympathie.
Selon Ysuf bin Dimitri al-Halab, un Chrtien dĠAlep, aprs lĠinvasion de
lĠEgypte et de la Syrie par Bonaparte, les autorits ottomanes ont assign
rsidence tous les ressortissants franais et ont rvoqu leurs protections.
Puis, dbut janvier 1799, ces ressortissants ont t emprisonns et leurs biens
mis en vente. Mais al-Halab souligne quĠaucun Chrtien local, Juif ou membre
dĠune autre communaut trangre (al-Faranj)
nĠest concern par cet ordre[19].
Les Juifs locaux
apparaissent donc fidles lĠEmpire ottoman. DĠautant plus quĠun des leurs, Ham Farhi, tait le bras
droit du gouverneur de Syrie, Jazzar Pacha, avec lequel il organisait la
dfense dĠAcre contre Bonaparte.
Ahmad Al-Jazzar (Ahmad
Ç le boucher È en raison de sa brutalit) est un mamelouk dĠorigine
bosniaque, qui a fait ses premires armes auprs des mamelouks dĠEgypte[20].
Investi en 1775 par le Sultan du seul gouvernement de la ville dĠAcre, il
reoit en 1785 lĠinvestiture de la province de Damas et tend son autorit sur
le sud de la Palestine. Son exercice du pouvoir est particulirement violent
contre les chiites et les bdouins. Il constitue pour cela une arme de
mercenaires de plus de 10 000 hommes en 1790.
Jazzar Pacha gouverne par
la terreur. Arrivant devant Acre, Bonaparte note : Ç les
Musulmans du pachalik dĠAcre se plaignirent amrement de la frocit du pacha.
On ne rencontrait tous moments que des hommes mutils par les ordres de ce
tyran : ce grand nombre dĠhommes sans nez tait un spectacle hideux[21] È.
Cette violence sĠexerait
mme sur les conseillers les plus proches de Jazzar Pacha. F.B. Spilsbury,
chirurgien sur le bateau de lĠAmiral anglais Sir Sidney Smith, accompagna
lĠAmiral dans ses visites Jazzar Pacha, au moment du sige dĠAcre par
Bonaparte, et dessina les scnes quĠil avait vues. Il reprsenta, dans une
gravure souvent reproduite, le conseiller juif de Jazzar Pacha, Ham Farhi,
lĠÏil crev, son oreille et son nez coup, tendant la main la condamnation
dĠun criminel devant Jazzar Pacha.
Nous connaissons la vie
de Ham Farhi (Damas vers 1750-Acre 1820), fils de Saul (Shihada) Farhi,
banquier Damas, par un crit de 1840, tabli par Loewe, assistant de Sir
Moses Montefiore[22]. Loewe rencontra la famille Farhi au
moment o elle tait accuse, comme tous les notables de Damas dĠailleurs, dont
les Lvi-Stambouli et les Liniado, de crime rituel contre un religieux par le
consul de France, Ratti-Menton, dans le cadre de Ç lĠaffaire de
Damas È.
Selon Loewe, les Farhi
venaient de Tyr, en Asie mineure, et se sont tablis Damas au XVIIe sicle.
Ils exeraient la profession de banquier et de collecteurs des impts pour le
gouvernement ottoman.
Ham commena sa carrire
comme banquier auprs du gouverneur de Haina, puis 20 ans, il fut envoy
Istanbul pour le contrle des comptes auprs du Ministre des Finances.
Emprisonn Istanbul, il fut libr par une intervention de sa sÏur Reina,
ge alors de 14 ans, auprs du Sultan. Jazzar Pacha prit alors Ham Farhi
son service Acre.
La charge dĠHam Farhi
nĠtait pas de tout repos. Selon la relation de Loewe, jalous, il fut nouveau
emprisonn sous les ordres de Jazzar Pacha qui lui fit crever un Ïil, et couper
une partie du nez et une oreille, avant de le rtablir dans ses fonctions.
Ham Farhi, pour financer
lĠarme de Jazzar Pacha, instaura un monopole de la vente des produits
agricoles aux Europens, probablement son profit et celui de Jazzar. Les
ngociants franais dĠAcre furent dpossds dĠun commerce lucratif. Ils furent
expulss dĠAcre au dbut des annes 1790[23].
La maison dĠHam Farhi Acre est une ancienne maison franaise, portant sur
son fronton une fleur de lys (symbole royal franais), dans le Ç khan el
frang È (march des Franais).
Ham Farhi et Jazzar
Pacha se rvlent de redoutables adversaires pour Bonaparte. Ils contactent la
marine anglaise, qui fait venir deux navires de guerre, le Tigre et le Thse,
dans la rade de Hafa. Ces navires interceptent la petite flottille franaise,
charge de transporter lĠartillerie de sige, trop lourde pour prendre la voie
du dsert.
Jazzar Pacha fait
massacrer les Chrtiens restant Acre et arme le reste de la population, prte
mourir en combattant pour viter le sort des Musulmans fusills par Bonaparte
Jaffa. Pour contenir les premiers assauts franais, Jazzar Pacha et Ham
Farhi font construire une deuxime ligne de retranchement, derrire la vieille
enceinte dĠAcre et y font disposer lĠartillerie prise aux Franais.
Bonaparte apporte un
nouveau matriel de sige par un convoi naval venant dĠAlexandrie et dbarquant
Jaffa le 30 avril. Mais les nouveaux assauts franais restent infructueux et
les pertes en officiers considrables. Le 7 mai, une flotte ottomane de renfort
courte le bombardement franais. Mais la ligne extrieure des fortifications
dĠAcre est emporte par les soldats franais.
Bonaparte prpare un
nouvel assaut dcisif. Il fait ses confidences Bourrienne : Ç si je
russis, je trouverai des armes pour 300 000 hommes. Je soulve et jĠarme toute
la Syrie, quĠa tant indigne la frocit de Jazzar. Je marche sur Damas et
Alep. JĠannonce au peuple lĠabolition de la servitude et des gouvernements
tyranniques des pachas. JĠarrrive Constantinople. Je renverse lĠempire turc.
Je fonde dans lĠOrient un nouvel et grand empire qui fixera ma place dans la
postritáÈ.
Le 10 mai, lĠassaut a
lieu sous la direction de Klber. Acre est toujours imprenable. Le soir mme,
Bonaparte dcide de lever le sige. Le 17, il lĠannonce lĠarme. Dans la nuit
du 20 au 21 mai, lĠarme franaise lve le camp et retourne en Egypte. Les
Naplousains et les Bdouins vont la harceler. Bonaparte rpliquera en
appliquant la destruction des moissons et la politique de la terre brle pour
maintenir une distance avec les troupes adverses. Mais Jazzar Pacha prfra
rester Acre avec ses troupes pour contrler le pays son profit.
Ham Farhi servit Jazzar
Pacha jusquĠ la mort de celui-ci en 1804[24].
Il tait connu comme Ç El Muallim È, le Matre en arabe. Il servit
aussi ses successeurs, Ismal Pacha et Soliman Pacha, pour qui il a correspondu
secrtement en turc avec Mohammed Ali, Pacha dĠEgypte. Pour la communaut
juive, il sĠoccupa des contributions envoyes de lĠtranger en Palestine,
venant notamment de Russie et dĠAutriche, pour le soutien aux pauvres et aux
tudiants du Talmud.
Il fut assassin en 1820
Acre, trangl la porte de sa maison, par les soldats du successeur de
Soliman Pacha, Abdallah, qui disait que ce Juif avait russi obtenir une trop
grande influence sur les Musulmans, lĠaide de moyens illgitimes. Son corps
fut jet la mer. Mais la maison Farhi, Damas dans le quartier juif, a
longtemps gard son nom : Ç El Muallim È. Et Acre (aujourdĠhui
Akko, en Isral), une place centrale sĠappelle Farhi, en son honneur.
3. 1868 : Jacob Stambouli reoit des peintres
orientalistes franais dans sa nouvelle maison
Le conflit entre la
France et lĠAngleterre, lors du sige dĠAcre par Bonaparte, a fait entrer Damas
et la Syrie dans le grand jeu diplomatique entre les puissances europennes et
lĠEmpire ottoman.
Damas, ville assez ferme
aux trangers en 1799, va sĠouvrir et les puissances europennes,
essentiellement la France et lĠAngleterre, vont pouvoir tablir leur prsence
dans le cadre dĠune ouverture gnrale de lĠEmpire ottoman lĠEurope.
De 1839 1878, lĠEmpire
ottoman vit la priode du Ç Tanzimat È
(du pluriel du mot arabe tanzim qui
signifie rorganisation)[25].
Une lite politique ottomane cherche moderniser lĠEmpire dĠen haut, partir
dĠIstanbul, en ouvrant lĠEmpire au commerce avec lĠEurope, en crant des
quipements modernes dans la capitale (postes, banques, htels, coles,
thtres, avenues, tramwaysÉ) et en transformant lĠadministration ottomane
partir du modle occidental.
En thorie, les membres
des autres communauts religieuses, depuis lĠdit de Glhane (1839) et les
rformes suivantes, sont mis sur un pied dĠgalit juridique avec les
Musulmans.
En pratique, Zouhair
Ghazzal montre quĠil nĠen est rien Damas[26].
Les notables sunnites de Damas occuprent tous les postes des nouveaux conseils
administratifs locaux. Il y eut une seule exception : pour lĠanne 1840,
aprs le retrait du pouvoir gyptien qui gouverna Damas de 1833 1840, Raphal
Farhi reprsenta la communaut juive mais il ne sigea pas les annes
suivantes.
En 1842, Beaudin,
interprte chancelier au consulat de France de Damas, estime 112 500
habitants la population de Damas, dont 84,6 % de Musulmans, 11,1 % de Chrtiens
et 4,3 % de Juifs (4850)[27].
Mais le nouvel impt
dĠhabitation, bas sur le nombre dĠhabitants et dcid par le conseil
administratif local, fut plus important pour les minorits chrtiennes et
juives (respectivement 17,5 % et 10 %[28])
que leur poids dans la population.
Cependant, avec des hauts
et des bas, certains notables juifs de Damas purent sĠenrichir durant cette
priode. Tel est le cas de Jacob Lvy-Stambouli qui inaugura en 1868 une
nouvelle maison damascne trs richement dcore, juste ct de la maison
Farhi.
En plus de leur rle
traditionnel de banquiers, de collecteur dĠimpts pour lĠadministration
ottomane, des notables juifs de Damas sĠenrichirent en participant au
dveloppement du commerce international avec lĠEurope. Dans les annes 1860,
des Juifs de Damas commencrent mme investir dans les rcoltes cotonnires
au nord de la Palestine, dans un but dĠexportation, parce que le coton des
Etats-Unis se faisait rare en raison de la guerre de Scession[29].
Par ailleurs, de nombreux notables juifs de Damas, tant sujets protgs des
grandes puissances, servaient dĠagents locaux pour les socits europennes.
Cette ouverture au commerce international pouvait mettre en difficult certains
mtiers dont les produits locaux (textiles par exemple) nĠtaient pas
comptitifs par rapport aux produits europens[30].
Damas sĠouvrait aux rgles de la concurrence capitaliste.
Jacob Stambouli (Damas,
vers 1828-Damas, 1888), notable juif ais en 1868, a pour pre Nathan Shehada
Stambouli (vers 1792-1854). Son oncle, Aaron Lvy-Stambouli fut, avec 14 autres
notables juifs de Damas, parmi les accuss de lĠaffaire de Damas en 1840.
Aaron Lvy-Stambouli
tait en 1840, le deuxime plus riche ngociant de Damas, aprs Mourad Farhi.
Le pre dĠAaron, David Lvy, avait dcid de rajouter son nom celui de
Stambouli, pour se distinguer des nombreux Lvy de Damas et parce quĠil se
rendait souvent Istanbul pour y rgler des affaires juridiques, selon la
tradition familiale.
Aaron Stambouli avait t
accus de participation au meurtre du domestique du pre Thomas[31]. Ce moine capucin sarde avait disparu de
Damas avec son domestique, le Musulman Ibrahim Amara, le 3 fvrier 1840. Les
Capucins firent courir le bruit que les Juifs les avaient tus, pour utiliser
leur sang la fte de Pque. Le consul de France Damas, le comte de
Ratti-Menton, mena rapidement lĠenqute avec le gouverneur gyptien, Chrif
Pacha. Par la torture, ils extorqurent des aveux aux domestiques des notables
juifs. Les notables furent arrts et torturs, dont Mourad, Joseph, Mehir
et Juda Farhi, Joseph Liniado et Aaron Stambouli. Deux accuss moururent sous
la torture : le rabbin Joseph Harari, un vieillard de 80 ans, et Joseph
Liniado. Aaron Stambouli, Mourad, Joseph et Mehir Farhi furent condamns mort
avec six autres Juifs de Damas, dont Isaac Levi Picciotto, sujet protg
autrichien.
Le consul dĠAutriche, M.
Merlatto, demanda instruire lĠaffaire concernant son protg. Aboutissant
des conclusions diamtralement opposes celles du consul de France, il alerta
James de Rothschild, consul dĠAutriche Paris. LĠaffaire clata au grand jour
dans la presse. Elle aboutit une dlgation de lĠavocat Isaac-Adolphe
Crmieux, de Salomon Munk, de Louis Loewe et de Sir Moses Montefiore, soutenue
par la reine dĠAngleterre Victoria, auprs de Mohamed Ali, vice-roi dĠEgypte
qui occupait lĠpoque la Syrie. Ce dernier ordonna la mise en libert des victimes
le 28 aot 1840 et rappella Chrif Pacha au Caire. Ratti-Menton, qui fut
soutenu lĠAssemble par Thiers[32],
sera nomm loin de lĠOrient. Le 6 novembre 1840, le Sultan signa un firman
dclarant que Ç les livres religieux juifs ont t examins, le rsultat
de tels examens est quĠil fut trouv que, chez les juifs, sont strictement
prohibs lĠusage du sang humain et mme celui des animaux. DĠo il ressort que
les accusations portes contre eux et contre leur religion ne sont que pures
calomnies . È
Nous savons que Jacob
Stambouli finit de construire sa maison en 1868 par un tmoignage datant de
lĠpoque, mais paru seulement en 1993[33].
Au cours dĠun voyage en Egypte et au Moyen-Orient dĠun groupe de peintres
orientalistes franais lĠinitiative du peintre Jean-Lon Grme, auquel
participe aussi le peintre Lon Bonnat, le peintre nerlandais Willem de Famars
Testas (1834-1896) a tenu un journal de voyage en franais. Le 4 mai 1868, le
groupe, aprs avoir rencontr Ç les Juifs influents de la ville È est
invit chez M. Stambouli, Ç isralite opulent È, comme le note le
peintre nerlandais qui ajoute : Ç sa maison est toute neuve :
il lĠa fait btir dans le style ancien et elle nĠest mme pas entirement
termine È.
La maison sera largement
photographie par Flix Bonfils (1831-1885), le premier photographe franais
installer un studio Beyrouth et qui diffusa de nombreuses cartes postales de
la maison que lĠon trouve encore chez les collectionneurs. Bonfils dbarqua, en
1860, avec les troupes franaises de Napolon III, qui restrent au Liban au
nom de la dfense des minorits chrtiennes.
En effet, les troubles
opposant dans la montagne des Druzes (Musulmans chiites) aux Maronites
(Chrtiens se rattachant depuis les croisades au catholicisme) se rpercutent
Damas, sur fond de conflits entre Chrtiens et Musulmans sur des questions
dĠimpts[34].
Les Musulmans estiment que les Chrtiens sont favoriss par les rformes du Tanzimat. Des militaires musulmans et la
pgre de la ville de Damas pillent et brlent les maisons du quartier chrtien,
massacrant plusieurs milliers de personnes[35]
les 9 et 10 juillet 1860. Le Sultan Abdl-Medjid envoie Fouad Pacha Damas qui
fait excuter une centaine de militaires et une cinquantaine de civils, tenus
pour responsables des massacres [36].
Certains Chrtiens accusrent les Juifs dĠavoir pris part aux violences ;
mais, aprs quelques emprisonnements provisoires, ils furent librs.
Invit le 4 mai 1868 chez
Jacob Stambouli, de Famars Testas, en bon peintre, note dans son carnet
lĠorganisation des festivits : Ç vers six heures et demie, les
invits arrivaient peu peu ; une douzaine de dames juives, pares de
tous leurs diamants prenaient place sur lĠample divan (en fait lĠiwan, un espace vot en plein air,
situ au frais) ; on leur servit de suite des narghils et des sucreries.
(É). Parmi les invites, se trouvait une grande dame anglaise qui sĠest marie
un Cheik de Palmyre, Lady Digby. (..) Ë sept heures et demie, on passait dans
la salle manger : nous y trouvions une table richement arrange
lĠeuropenne, et des quantits de plats. Comme boisson, il y avait du vin de
Damas et de lĠarakieh. Aprs le dner, nous sommes redescendus dans la grande
salle, o on causait, en fumant et mangeant dĠexcellentes confitures. Bientt
arrivaient encore dĠautres invits dont plusieurs trangers, entre autres la
marquise dĠEly et son fils. Le fils de M. Stambouli[37]
parlait un peu franais, le pre ne parle ni ne comprend le franais son
grand regret È.
Cette rception montre
bien les nombreux contacts internationaux dĠun notable juif de Damas comme
Jacob Stambouli et son ouverture vis--vis de la France. Ces contacts datent en
particulier de lĠaffaire de Damas de 1840. En effet, de Famars Testas note que
le peintre Grme prsente le 3 mai aux notables juifs Ç une lettre
circulaire de M. lĠavocat Crmieux de Paris È. Il ajoute :
Ç Ce M. Crmieux a, par son talent dĠavocat, sauv la population
juive de Damas dĠune ruine complte. En lĠabsence de M. Grme, cĠest Goupil
son gendre, qui a remis la lettre. On lĠa reu comme un envoy de prince et
peut-tre plus affablement encore È. DĠo lĠinvitation dner pour le
lendemain de Jacob Stambouli.
Avant de se rendre la
rception des Stambouli, de Famars Testas Ç fait une course en ville avec
un M. allemand, isralite, nomm Weiskopf. CĠest un monsieur, envoy par la
socit isralite de France, pour diriger les coles juives de Damas. Il nous a
conduits son cole. Nous tions tonns de lĠordre et de la propret qui
rgnaient l-dedans ; plusieurs mme, parmi les plus petits, taient dj
avancs dans la langue franaise et crivaient pas mal les caractres
europens È.
En fait, il sĠagit de M.
Weiskoff, isralite franais, dĠorigine ashknaze, qui dirige effectivement
lĠcole de garons de lĠAlliance Isralite Universelle quĠil a ouvert Damas
en 1864.[38]
LĠAlliance Isralite
Universelle a t fonde Paris en 1860 pour Ç prter un appui efficace
ceux qui souffrent pour leur qualit dĠIsralites È et pour
Ç travailler partout lĠmancipation et aux progrs moraux des Isralites
[39]È.
De 1863 1880, Isaac-Adolphe Crmieux en sera le Prsident. Il dirige un
Ç Comit Central È de trente membres dont les deux tiers rsident
Paris[40].
Tous les directeurs des coles doivent rendre rgulirement des comptes au
Comit Central.
La cration de lĠcole de
Damas ne sĠest pas faite sans problme. Dans une lettre de M. Weiskoff du 20
fvrier 1868 au Comit Central,
concernant la cration de lĠcole, ce dernier crit : Ç le
respect dont jĠentoure les dcisions du Comit Central me dfend de protester
contre lĠassertion que cĠtait sur mon initiative que lĠcole de Damas a t
cre et que lĠAlliance lĠaccepte comme un fait accompli.[41] È
M. Weiskoff ne semble pas
avoir toute la confiance du Comit Central puisquĠil lui crit dans une lettre
du 2 dcembre 1868 : Ç le Comit Central me reproche dĠavoir
compromis lĠexistence de lĠcole de Bagdad. CĠest pour moi un sujet
dĠaffliction que dĠtre en butte une position quasi-prcaire depuis que jĠai lĠhonneur
se servir sous vos ordres È.
Le Comit Central fermera
lĠcole de garons de Damas en 1869. Il la rouvrira en 1880, sous la direction
de M. Fresco et ouvrira une cole de filles en 1883.
Dans les listes des
lves des coles de lĠAlliance, on trouve de nombreux enfants Farhi, Stambouli
et Liniado. Les enfants des notables juifs vont aller dans les coles de
lĠAlliance, qui donnaient une formation de type franais jusquĠau certificat
dĠtudes[42],
avec un bon apprentissage du franais, en plus de lĠarabe et dĠun peu dĠhbreu.
Ils continueront ensuite leurs tudes suprieures, notamment dans des coles
chrtiennes du Moyen Orient.
LĠinfluence des coles de
lĠAlliance Damas va se manifester par la diffusion de la culture et de la
langue franaise. Elle va heurter lĠinfluence traditionnelle des rabbins des
Talmud Torah, mme si des rabbins locaux vont enseigner lĠhbreu dans les
classes de lĠAlliance, en particulier le rabbin Chehade Maslaton (n vers 1856)[43]
qui enseigna ds la cration de lĠcole de garons. A la fin du XIXe sicle,
cĠest lĠAlliance qui intgrera dans son rseau ducatif les Talmud Torah, au
dtriment du pouvoir des rabbins traditionnels locaux [44].
LĠAlliance va aussi
influer sur le vtement et les moeurs des Juifs de Damas. Les lves des coles
de lĠAlliance devaient tre habills lĠeuropenne, en abandonnant le vtement
traditionnel[45]. Parmi les
jeunes femmes de notables, la mode et lĠlgance de Paris vont se rpandre
comme en attestent les photos de famille.
LĠAlliance va complter
lĠinstruction des adultes et donner une formation professionnelle ou gnrale
aux enfants des notables (lves payants) mais aussi aux enfants des petits
artisans, ouvriers et commerants (lves Ç gratuits È, recevant
parfois un aide alimentaire) [46].
Elle va former quelques
enseignants locaux. En 1906, pour la premire fois Damas, lĠcole de garons
de lĠAlliance a un directeur originaire de Damas : Nissim Farhi. Mais
lĠAlliance subira le phnomne dĠmigration conomique des Juifs de Damas, ds
la fin du XIXe sicle et ses rapports avec le conseil de la communaut seront
souvent difficiles, notamment pour faire payer les frais de lĠcole [47].
A partir des annes
1870, la situation conomique de
certains notables riches va se dgrader jusquĠau dbut du nouveau sicle[48].
En 1869, le canal de Suez
est ouvert : les routes commerciales et les plerinages La Mecque vont
beaucoup plus passer par mer et par lĠEgypte que par terre et par Damas. En
1875, lĠEmpire ottoman ne peut plus rembourser sa dette publique[49].
Des notables juifs de Damas, dont les Stambouli, qui avaient souscrit aux
emprunts dĠEtat sont en difficult. Les Anglais et les Franais vont mettre en
place, partir de 1878, une administration de la dette : le montant de la
dette est abaiss de moiti et le taux dĠintrt maintenu entre 1 et 4%.
Ë la mort de Salomon
Stambouli, en 1895, Bolissa Farhi, sa veuve loue la maison Stambouli pour
lĠcole des garons de lĠAlliance Isralite. Le directeur de lĠcole, Ouziel
crit en 1896, au Comit Central : Ç depuis que nous avons lou la
maison Stambouli, notre local scolaire ne laisse rien dsirer [50] È.
LĠcole compte 179 lves et 6 classes.
En plus des problmes
conomiques mentionns, Bolissa Farhi, veuve Stambouli, se trouve dans une
situation personnelle difficile : elle a certes trois garons (Jacques,
Nathan et Isaac) ; mais aussi
sept filles marier : Leila, Jemila, Laura, Nezha, Farid,
Victoria et Adle. CĠest de ce moment que date son dicton : Ç les
filles Stambouli sont tellement belles quĠil nĠy a pas besoin de dot pour les
marier È.
En 1901, la maison
Stambouli va servir lĠcole de filles qui compte 316 lves. Mathilde
Alchalel, sa directrice, dans son rapport annuel au Comit Central, considre
que cĠest Ç une des plus belles maisons du quartier juif, que tous les
touristes de passage viennent visiter. È Mais Ç nos classes ne sont
pas loges lĠaise dans ce palais. Il nĠy a pas assez de pices pour sept
classes et nous sommes obligs de sparer le salon en deux par un grand rideau
en toile pour faire deux classes. Si la maison nous appartenait, il nous serait
facile de lĠamnager pour en faire une belle cole car la place ne manque
pas. Des pourparlers ont t engags pour lĠacquisition de cet immeuble.
Ils nĠont pas abouti en raison du bas prix que vous en avez offert. Nous
avons d renouveler le bail pour une nouvelle priode de trois ans. [51]È
En 1903, une lettre au
secrtaire de lĠAIU Paris, M. Benedict, de la part des fils de Jacob
Stambouli, signe David Levy Stambouly[52]
et Elie Levy Stambouli ainsi que de Mme Stambouli (probablement la veuve de
Salomon Stambouli, Bolissa Farhi), explique les termes de la vente de la maison
Stambouli lĠAlliance. Les Stambouli veulent Ç vendre leur proprit
paternelle par suite de la misre o nous sommes tombs surtout que nous
comptons (nous) installer en Egypte. La valeur normale de la maison est de plus
de 15 000 livres. È Ils notent que M. Alchalel, le directeur de lĠcole
des garons, a propos ventuellement 2000 livres : Ç il est
regrettable de vendre si bas prix È[53].
La vente ne se fera pas.
Et la maison Stambouli restera dans la famille. Elle sera achete par Joseph
Liniado, un riche notable de Damas. Et Bolissa Farhi va marier son fils Jacques
Stambouli – mon grand-pre – avec Adle Liniado, la fille unique de
Joseph Liniado. Jacques Stambouli, lev chez les Jsuites Beyrouth, sera
avocat aux Tribunaux mixtes du Caire. Mais deux enfants dĠAdle Liniado,
Salomon dit Raymond et Robert naquirent dans la maison Stambouli o Adle vint
accoucher et o la famille du Caire venait lĠt rejoindre les grands parents
de Damas.
4. 1928 : Joseph Liniado devient dput pour la
communaut juive au Parlement de
Syrie
Aprs la premire guerre
mondiale, le paysage politique est boulevers en Syrie et la communaut juive
de Damas va tre divise selon plusieurs orientations trs contradictoires.
LĠEmpire ottoman, alli
des Allemands, est dfait militairement en 1918. Le gnral anglais Allenby
prend Damas le 30 septembre. Des notables arabes tentent de prendre le pouvoir.
Faysal dĠArabie les renverse et se place sous lĠautorit dĠAllenby. Le
gouvernement ottoman signe lĠarmistice le 30 octobre 1918 avec les Anglais. Le
trait de Svres en aot 1920 signera la paix entre les Allis et lĠEmpire
ottoman, qui est dissous et dsormais appel Turquie. Mustapha Kemal rejettera
ce trait et, par une campagne militaire, obtiendra un nouveau trait plus
favorable : le trait de Lausanne de 1923, qui dsigne les frontires
actuelles de la Turquie[54].
LĠancienne province
ottomane de Syrie a fait lĠobjet des accords secrets Sykes-Picot, tablis en
mai 1916 entre lĠAngleterre et la France, qui prvoient un mandat pour chaque
pays, la France au Nord (Liban, Damas) et les Anglais au Sud (Palestine, Transjordanie).
Ë Damas, partir de novembre 1918, de faon provisoire, sous la direction de
Faysal dĠArabie, un gouvernement arabe sĠest install, avec prsence des
troupes anglaises. Ce gouvernement veut constituer un Etat unitaire moderne,
multiconfessionnel, dmocratique et indpendant[55].
La constitution de ce
gouvernement ne correspond pas au projet de la France de mandat sur le nord de
lĠancienne Syrie ottomane. En juillet 1919, une commission dĠenqute
amricaine, la commission King-Crane va en Syrie pour clairer les grandes
puissances. Ses conclusions confirment lĠopposition des populations au mandat
franais.
Le 8 mars 1920, le
Congrs syrien proclame Damas lĠindpendance de la Syrie dans ses frontires
anciennes, Palestine incluse, avec Faysal comme roi constitutionnel. Mais le 22
mars, le Conseil administratif du Liban proclame lĠindpendance du Liban. Le 25
avril 1920, le Conseil suprme interalli attribue la France le mandat de la
Syrie (Liban inclus) et la Grande-Bretagne le mandat sur la Palestine et la
Msopotamie. Le 7 mai, le gouvernement arabe syrien dcide la conscription
gnrale. Le 24 juillet 1920, Khan Maysalun, sur la route reliant Beyrouth
Bagdad, le gnral Gouraud crase lĠarme arabe syrienne sous le feu de son
artillerie lourde, de ses blinds et de son aviation. Faysal prend
lĠexil ; les Anglais le mettront sur le trne dĠIrak. Et la France
commence son mandat, qui doit prparer le pays lĠindpendance, avec
lĠopposition dĠune bonne partie de la population de Syrie.
Le gouvernement franais
va rpondre cette situation par un morcellement de la partie de lĠancienne
province ottomane dont elle est mandataire. En janvier 1920, le Haut
commissariat franais crait un Etat de Syrie, regroupant les tats dĠAlep, de
Damas et Lattaqui, avec Damas comme capitale ; les autres territoires
constituent le Grand Liban. Et le centre politique du pouvoir mandataire est
Beyrouth.
Cependant, le pouvoir
franais nĠarrive pas stabiliser durablement lĠEtat de Syrie. En 1925, une
rvolte clate dans la montagne druze, investissant Damas, attaquant le sud de
la ville, dont le quartier juif, les 18 et 19 octobre. Les troupes franaises
bombardent Damas et doivent lutter contre la gurilla dans lĠoasis de la Ghota
et dans la montagne jusquĠ lĠt 1926.
Les lections
lĠAssemble constituante, en 1928, ont pour but de trouver une solution
politique. La communaut juive obtient dĠtre reprsente par un dput.
Les archives de
lĠAlliance Isralite permettent de connatre les conditions de cette lection
et ses enjeux. Le directeur de lĠcole de garons de lĠAlliance, M.
Silberstein, rend compte au Comit Central de cette lection par une lettre du
9 mai 1928[56] :
Ç la communaut
isralite de Damas a t appele prendre part aux lections du 2e
degr qui se sont droules les 10 et 24 avril dernier. La population isralite
de Syrie compte de 25 30 000 mes, concentres surtout Damas et Alep. Par
suite de lĠmigration de nos coreligionnaires de Damas, notre communaut est
devenue infrieure celle dĠAlep : Alep, 12 000 individus, Damas, 10 000
individus dont 2000 trangers.
CĠest Damas qui fut
dsigne pour choisir un reprsentant pour la Chambre des dputs, malgr les
nombreuses protestations des Isralites dĠAlep.
Les lections du 1er
degr commencent le 10 avril et durent 3 jours. Les urnes se tenaient dans la
grande synagogue. 300 lecteurs votrent, mais officiellement, le nombre de
votants enregistrs fut de 2853. CĠest grce ce nombre imposant de votants
que la Communaut a russi garder son sige. 30 notables furent choisis pour
participer avec les autres lus de la ville aux lections du 2e
degr le 24 avril.
Deux candidats isralites
se trouvrent en prsence : M. Joseph Liniado[57],
partisan du gouvernement et M. Daoud Totah du parti nationaliste. Aprs
plusieurs runions des 30 notables, on sĠest mis dĠaccord pour ne prsenter
quĠun candidat, M. Joseph Liniado. Le candidat nationaliste se dsista en
faveur de M. Liniado.
Le 24 avril, se
droulrent les lections du 2e degr. M. Joseph Liniado fut lu
une majorit crasante : 680 voix sur 731 votants.
M. Liniado est un ancien
lve de notre cole. Il appartient une grande famille qui depuis plusieurs
gnrations a rendu de grands services au gouvernement du pays. Tous les
membres de cette famille ont sig dans les diffrents conseils de Damas.
LĠ lection dĠun
dput isralite a amen une vritable explosion de joie dans notre quartier.
Pendant trois jours, les ftes se succdrent sans interruption. Les murs ont
t pavoiss aux couleurs franaises et syriennes. Les dlgations arabes et
chrtiennes vinrent adresser leurs flicitations au nouvel lu È.
Une version humoristique
du mme vnement est rapporte par Moussa Abadi, dans sa nouvelle Ç un
dput nous est n È[58].
Il explique sa faon la transformation du nombre dĠlecteurs :
Ç Larnado fut lu lĠunanimit,
avec les voix des prsents et des absents, des vivants et des morts, des
disparus, des migrs et des partis-sans-laisser dĠadresse.
Ë chaque passage dĠun
lecteur devant lĠurne – en lĠoccurrence un panier dĠosier – on lui
proposait, au choix, une bouteille dĠhuile, un sac de riz ou un tarbouche
Ç un petit peu mitÉ Et on le priait de repasser.
Et tout le monde
repassait devant le panier dĠosier È.
Malgr la prsence dĠun
dpute juif pro-gouvernemental – mon arrire grand-pre qui avait 78 ans
lĠpoque – lĠAssemble de Syrie nĠapporta pas de solution
politique. Elle vota une
Constitution refuse par le Haut commissaire, parce quĠelle revendiquait des
territoires passs au Grand Liban et demandait lĠunit nationale intgrale et
immdiate, impliquant la fin du mandat. La Chambre fut dissoute en mai 1930[59] .
En 1934, la nouvelle Chambre lue en 1932, fut suspendue. En 1936, un trait
franco-syrien prvoit lĠindpendance, dans un dlai de 3 ans. Approuv par le
Parlement syrien, il nĠest pas vot par le Parlement franais. En 1941, pour
empcher le pouvoir de Vichy de se maintenir, les troupes franaises libres et
les troupes britanniques pntrent en Syrie. En 1943, les lections consacrent
le succs des nationalistes syriens. Mais la France ne transfre pas ses
pouvoirs. En mai 1945, de graves troubles clatent Damas et les autorits
franaises bombardent la ville. Les Anglais demandent alors aux troupes
franaises de quitter le pays ce quĠelles feront quelques mois plus tard.
Dans cette tourmente,
dĠaprs les rapports des directeurs de lĠAlliance, la communaut juive de Damas
tait clate entre pro-franais dont les partisans de lĠAlliance isralite
qui maintint ses coles, mais dont le directeur fut assassin en 1942[60] ;
nationalistes syriens, notamment chez certains jeunes ; et sionistes.
Le mouvement sioniste
avait cr des coles hbraques Damas en 1919, gratuites et concurrentes de
celles de lĠAlliance ; mais elles furent fermes en 1925. En 1929, selon
M. Silberstein, directeur de lĠcole de garcons de lĠAlliance, la Maccabi,
association sportive juive, existait Damas, se runissait dans lĠcole de
lĠAlliance, avec comme Prsident honoraire Joseph Farhi, prsident de la loge
Ben Brith et ancien prsident de la communaut de Damas.
Dans une situation
politique aussi trouble, de nombreux juifs de Damas choisirent dĠmigrer,
Beyrouth, en Egypte, en terre dĠIsral, en Amrique ou en Europe.
Joseph Liniado, dput
juif de Damas, mourut en 1943, 93 ans. Ë sa mort, sa veuve Bayie Tubie et son
neveu, Sabri Liniado vendirent la maison Stambouli une institution
amricaine.
La cration de lĠEtat
dĠIsral, le 15 mai 1948, et la guerre permanente isralo-arabe, qui sĠest
instaure depuis, allaient prcipiter le dclin de la communaut juive de
Damas, qui nĠexiste plus depuis 1994. Les familles des notables juifs de Damas
comme les Farhi, les Liniado, les Stambouli avaient migr ds le dbut du XX e
sicle, au Liban, en Egypte, en Isral, en France, en Suisse, en Grande
Bretagne, en Espagne, au Brsil, aux Etats-Unis notamment.
LĠidentit spharade
complexe de cette communaut, hbraque par la religion et lĠorigine, arabe
moyen-orientale par son insertion locale trs ancienne, franaise par son
imprgnation culturelle, sĠest transporte ailleurs quĠen Syrie et forme de
nouveaux mlanges.
Dans les guides anglais
actuels de Damas, le quartier juif est toujours mentionn. La maison Stambouli-Liniado
(Ç Beit Nyaddu È) est toujours l, appartenant un riche chiite. Et
la maison Farhi a t rnove. Elle est devenue lĠhtel Talisman, un des htels
les plus chics de Damas.
Le 7 mars 2009
[1] www.farhi.org
[2] Nous remercions
Mlle Levine, bibliothcaire aux Archives de lĠAlliance Isralite Universelle de
toute lĠattention quĠelle a bien voulu porter notre recherche.
[3] Estimation
pour 1848 du voyageur Benjamin II,
cit dans Encylopaedia Judaica, Second Edition, Volume 5, Damascus, p. 395.
[4] Selon Henry Laurens, lĠEmpire ottoman avait, dans ce que Bonaparte va appeler la Syrie, trois circoncriptions administratives en 1799 avec un chef-lieu de circonscription : le nord de la Palestine dpendait de la circonscription dĠAcre, les rgions centrales de Palestine et Jrusalem dpendaient de la circonscription de Damas, la rgion littorale de Palestine constituait une unit administrative part, avec des villes comme Gaza et Jaffa . (Note 3, page 369, in BONAPARTE, Napolon, Campagnes dĠEgypte et de Syrie, Imprimerie Nationale, Paris, 1998). Cependant, le gouverneur de la circonscription dĠAcre, Jazzar Pacha, reoit en 1785, lĠinvestiture de la circoncription de Damas, et tend son autorit sur le sud de la Palestine. Il regroupe Ç tous les commandements syro-palestiniens en dcembre 1798 pour faire face la menace franaise È in LAURENS, Henry, LĠexpdition dĠEgypte, 1798-1801, Le Seuil, Paris, p.261.
[5] Encyclopaedia
Judaica, op. cit., pp. 390-397, article Damascus.
[6] GHAZZAL, Zouhair,
op. cit. p.13.
[7] TERNON, Yves,
Empire ottoman, le dclin, la chute, lĠeffacement, Le Flin, Paris, 2005, p.37.
[8] GHAZZAL , Zouhair, op.cit., p. 16.
[9] Idem, p. 18.
[10] LEWIS, Bernard,
Juifs en terre dĠIslam, Calmann-Lvy, Paris, 1986, p.37.
[11] BEN NAEH, Yaron,
Dans lĠempire ottoman, XVIe-XVIIIe sicle in TRIGANO, Schmuel, Le monde
spharade, I. Histoire, Seuil, Paris, 2006, pp. 369-413.
[12] GHAZZAL, Zouhair, op. cit. p. 26.
[13] LAURENS, Henry, Les
Lumires et lĠexpdition dĠEgypte, pp. 18-21 in COLLECTIF, Bonaparte et lĠEgypte,
Feu et Lumire, Hazan-Institut du Monde Arabe, Paris, 2008.
[14] BONAPARTE,
Napolon, Campagnes dĠEgypte et de Syrie. Prsentation et notes de Henry
Laurens, Imprimerie Nationale, Paris, 1998. Ce texte a t dict au gnral
Bertrand, tmoin oculaire des faits, dans lĠle de Sainte-Hlne, lors des
premires annes de sa captivit.
[15] Il sĠagit de Dahir
Umar Al-Zaydani, chef dĠune famille arabe dĠorigine bdouine qui sĠest oppose
la domination ottomane en Palestine.
[16] BONAPARTE,
Napolon, Campagnes dĠEgypte et de Syrie, op. cit. p. 212.
[17] Idem, p. 212.
[18] Idem, p. 232.
[19] RAFEQ, Abdu-Karim,
La campagne de Bonaparte en Syrie, in COLLECTIF, Bonaparte et lĠEgypte, feu et
lumire, Institut du Monde arabe, Hazan, Pari, 2008, pp.115-119.
[20] LAURENS, Henry, LĠexpdition
dĠEgypte, Le Seuil, Paris, 1997, pp. 260-263.
[21] BONAPARTE,
Napolon, op. cit. p. 232.
[22] Le texte de F.
Loewe sur les Farhi de Damas se trouve sur le site farhi.org., traduit par Remi
Hakim.
[23] LAURENS, Henry, op. cit. p.262.
[24] ENCYLOPAEDIA JUDAICA,
Second Edition, volume 6, FARHI pp. 714-716.
[25] TERNON Yves,
op.cit. pages 149-161.
[26] GHAZZAL, Zouhair,
p. 53.
[27] GHAZZAL, Zouhair,
op. cit. p.38.
[28] Idem, p. 40. Les chiffres sont de 1843.
[29] Idem, p. 79.
[30] GHAZZAL, Zouhair,
op.cit. p.126.
[31] ENCYCLOPAEDIA
JUDAICA, Second edition, volume 5, DAMASCUS AFFAIR, pp. 399-401. Voir aussi en
franais, HEBEY, Pierre, Les disparus de Damas, Gallimard, 2003 et STAMBOULI,
Raymond, Les Juifs de Syrie et lĠaffaire de Damas, pp. 431-436, in MECHOULAN Henry (dir.), Les Juifs
dĠEspagne, 1492-1992, Editions Liana Levi, Paris, 1992.
[32] HEBEY, Pierre, op.
cit. p.233.
[33] DE FAMARS TESTAS,
Willem, Journal de voyage en Orient, 1868, in Album de voyage, des artistes au
pays du Levant, Runion des Muses Nationaux, Paris, 1993, pp. 181-183.
[34] GHAZZAL, Zouhair,
op.cit. p.164-166.
[35] 5000 selon RONDOT,
Philippe, La Syrie, Que sais-je ? PUF , Paris, 1998, p.32.
[36] TERNON, Yves, op.
cit. p.181.
[37] Il sĠagit de
Salomon Stambouli (1850-1895), qui a 18 ans en 1868, comme le note de Famars
Testas.
[38] ENCYCLOPAEDIA
JUDAICA, Damascus, p. 395.
[39] GIRARD, Patrick,
Pour le meilleur et pour le pire. Vingt sicles dĠhistoire juive en
France . Bibliophane, Paris, 1986, P. 309.
[40] ENCYCLOPAEDIA
JUDAICA, Second edition, volume 1, ALLIANCE ISRAELITE UNIVERSELLE p. 671-675.
[41] Alliance Isralite
Universelle, Archives, Microfilms, Syrie, Bobine 3.
[42] RODRIGUE, Aron, De
lĠinstruction lĠmancipation, Les enseignants de lĠAlliance isralite
universelle et les Juifs dĠOrient, 1860-1939, Calmann-Lvy, Paris, 1989.
[43] Ç Chehade
Maslaton, notre premier rabbin a peine 45 ans. Il est lĠcole depuis sa
fondation, cĠest--dire depuis 21 ans. Il est pieux sans tre fanatique, doux,
calme, il a sur les lves une grande autorit. È (Samuel Alchalel,
rapport 1901, Archives manuscrites AIU Syrie Damas, F 24 Garons).
[44] Ç Le Grand
Rabbin nourrit encore lĠespoir de mettre un jour la main sur le Talmud Torah et
cĠest ce qui fait que nous ne serons jamais bien ensemble. È (M.Ouziel, rapport 1897 Archives
manuscrites AIU, Syrie Damas, F 24 Garons)
[45] Ç Nous tenons
ce que nos lves portent lĠhabit europen : veston et pantalon. È
(Samuel Alchalel, rapport AIU 1905, Archives manucrites, AIU, Syrie, Damas, F
24 Garons). Ç Les jeunes filles sorties des bancs de notre cole ne ressemblent
plus celles dĠautrefois. Il est excessivement rare dĠen voir vtues de
ces horribles robes de chambre que leurs mres affectionnent encore. Elles
commencent ressembler un peu la jeune fille europenne. Il y en a mme qui
aspirent vivre seules avec leur mari, rompant ainsi avec une des traditions
les plus indracinables : celle de garder les fils auprs de soi longtemps
aprs leur mariage. La jeune femme dans les premires annes de son mariage est
entirement soumise la belle-mre qui dtruit ainsi toute lĠaction de
lĠcole È (Mathilde Alchalel, pouse de Samuel Alchalel, rapport AIU 1904,
Archives AIU, Syrie Damas, F 24 Filles).
[46] Ç Le fait le
plus saillant de lĠanne a t lĠinstitution de cours dĠadultes. LĠaffluence a
t si considrable quĠil a fallu organiser successivement trois classes. Le
nombre des lves, y compris les apprentis, a t de 194. Tous sont ouvriers,
le moins g avait 18 ans et le plus g 45 ; la plupart sont maris et
ont leurs enfants lĠcole ou dans notre Talmud Tora È (M.Ouziel,
directeur de lĠcole de garons, rapport AIU 1897, Archives manuscrites, Syrie,
Damas, F 24, Garons )
[47]Ç Nos
coreligionnaires se sont mis en tte que lĠAlliance nĠa que faire des quelques
centaines de francs que nous leur extorquons ici et quĠelle nous a envoys pour
secourir les misres È (M. Cohen, directeur de lĠcole des garons,
rapport AIU 1890, Archives, Syrie, Damas, F 24 Garons ). Ç Les nouvelles
gnrations, formes dans nos coles, ne demeurent pas Damas : elles ont
presque toutes migr È (Samuel Alchalel, rapport AIU 1905-1906, idem).
[48] Ç Les grandes
familles, les Stambouli, les Lisbona, les Farhi, les Harari etc. perdent chaque
jour de leur influence parce quĠelles ont perdu leurs fortunes È (Samuel
Alchalel, directeur de lĠcole de garons, Rapport AIU 1901, Archives
manuscrites, Syrie, Damas, F 24, Garons).
[49] TERNON, Yves, op.
cit. p. 209.
[50] Archives
manuscrites AIU, Syrie XIII, F.24. Dossier Garons (1896-1931).
[51] Archives manuscrites AIU, Syrie XIII,
F. 24, Dossiers Filles (1896-1922).
[52] David Stambouli
tait pote. La tradition familiale dit aussi quĠil fut juge Damas et que ses
jugements en vers dpendaient de la rime quĠil trouvait.
[53] Archives AIU microfilmes, Syrie, Bobine 40,
STAMBOULI.
[54] CHAGNOLLAUD
Jean-Paul, Quelques ides simples sur lĠOrient compliqu, Ellipses, Paris,
2008. En 1939, lĠEtat franais cdera unilatralement la Turquie, au
dtriment de la Syrie sous mandat, la circonscription dĠAlexandrette et
dĠAntioche, ports servant de dbouchs Alep, pour sĠassurer la neutralit de
la Turquie dans la guerre venir avec lĠAllemagne.
[55] MEOUCHY Nadine, Un
roi arabe : Faysal, un espoir du, in Damas, Autrement Hors Srie nĦ 65,
Paris, janvier 1993, pp.70-79.
[56] AIU, Archives
manuscrites, Syrie XIII F. 24 Dossier Garons 1896-1931.
[57] Le nom
Ç Liniado È est parfois orthographie Ç Laniado È voire
Ç Legnado È. Dans le cas de Joseph Liniado, il sĠagit de la mme
personne. Nous avons harmonis en Liniado, qui tait le nom sur le passeport de
sa fille Adle Liniado. Les noms de familles taient crits en hbreu ou en
arabe. Les transcriptions en caractres latins donnent des approximations et
des variations pour le mme nom. Etymologiquement, le nom peur venir selon
TAIEB, Jacques, op. cit. de lĠespagnol Ç laniador È , raccomodeur de
faences et porcelaines. Selon la tradition familiale, le nom viendrait de
Ç linea È, le lin.
[58] ABADI, Moussa, La
reine et le calligraphe, Mes juifs de Damas, Christian de Bartillat diteur,
Paris, 1993. Voir aussi, ABADI,Moussa, Shimon le parjure, Mes Juifs de
Damas, Editions du Laquet, 1999.
[59] RONDOT, Philippe,
op. cit. p.p.37-38.
[60] ENCYCLOPAEDIA
JUDAICA, op. cit. DAMASCUS.